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Insurtalks by Quartz : prévention et assurance, le mix parfait ?

Nous avons eu le plaisir de recevoir Joël Bassani, fondateur de Jinnbee, afin qu’il vienne nous exposer sa vision de la prévention dans l’assurance. Retour sur les points clés de nos échanges.

08 juillet 2019

Insurtalks by Quartz : prévention et assurance, le mix parfait ?

Pour ce premier épisode nous souhaitions interviewer un expert reconnu et avec une vison globale du marché de l’assurance. Nous avons donc naturellement reçu Joël Bassani, fondateur de Jinnbee, qui a accepté de bien vouloir nous partager sa vision.

Joël accompagne depuis plus de 13 ans les acteurs du marché dans leur processus d’innovation, en faisant émerger des solutions, et résolument orientées utilisateur, auprès des grands noms de l’assurance. “Au delà des levées de fonds et au-delà des articles de presse qui sont publiés sur les InsurTech, ce qui compte c'est l'offre et la proposition de valeur de chacune de ces structures!

Bonne écoute !

Les véhicules autonomes menacent-ils vraiment l’assurance auto ?

Avec la commercialisation à grande échelle des voitures autonomes, la sinistralité du marché automobile va chuter de 80% d’ici à 2040 en France, selon le cabinet KPMG. Ceci aura pour impact une diminution importante de la valeur du marché de l’assurance auto, de l’ordre de 60%.

Cette réalité, “qui n’est pas forcément perçue par tous aujourd”hui”, est un exemple de ce qu’offre la prévention, ici dans sa dimension technologique, explique Joël. Dans cet exemple, on s’affranchit de l’aspect humain puisqu’on ne cherche plus à modifier le comportement de conduite du conducteur, car celui-ci n’existera plus. La technologie va induire sur le marché de l’assurance auto une quasi “suppression du risque”, qui va au delà de la prévention comme on l’a connu avec la prévention routière depuis des décennies. On réduit ou supprime simplement le risque.

Assurance santé, qui doit assurer la prévention des français ?

Les français sont 50% à considérer que les comportements à risques doivent être sanctionnés financièrement en matière d’assurance santé. Nous avons interrogé Joël pour savoir s’il pensait que les entreprises, premières prescriptrices des contrats santé, notamment depuis l’ANI, avaient un rôle à jouer dans la prévention des risques de santé.

L’approche qui tend à faire fluctuer les cotisations en fonction du niveau d’effort de prévention de l’usager va à l’encontre du principe même de mutualisation sur lequel s’appuie l’Assurance, *souligne Joël. *

Sur la question de qui doit actionner les plans de prévention à destination des assurés, on peut dire que, “dans le monde de l’assurance, tout le monde se rejette la balle. C’est l’assureur qui doit le faire, c’est le distributeur, c’est la sécurité sociale, c’est un tiers, c’est la salle de sport… et pendant ce temps personne ne s’occupe de l’assuré, indique Joël.

On comprend aisément que l’entreprise ait un intérêt direct à ce que ses salariés soient en bonne santé. Cela se traduit directement par une baisse des arrêts maladies par exemple. Donc à priori, l’entreprise occupe une place de choix pour pousser de la prévention. Si les entreprises ont la volonté de faire de la prévention, la vraie question pourtant est de comprendre si elles se sentent suffisamment légitimes pour pousser ce genre de chose. Et c’est là le problème ! Les PME et TPE en France, qui constituent le principal tissu économique du pays, n’ont pas pris la légitimité de proposer des opérations de prévention auprès de leurs salariés qui n’attendent pas cela de leurs dirigeants.

On se retrouve alors dans un cas de figure où l’entreprise ne sait pas vers qui se tourner quand il s’agit de prévention. Quelles sont les actions à mener ? Avec quels outils ? L’entreprise n’a pas le temps de monter ses plans d’actions, de les tester, de les mettre en oeuvre.

Assurance Cyber, à la pointe en terme de prévention ?

Les produits Cyber intègrent directement des briques de prévention. Par exemple, des outils pour optimiser la gestion des flux entrants pour détecter les attaques, des audits des systèmes d’information, des conseils pour repérer les mails frauduleux etc… On a demandé à Joël s’il pensait que cette intégration de la prévention dans le produit était l’avenir de l’assurance et si de plus en plus de contrats allaient intégrer des modules de prévention dans le futur.

Encore une fois, il s’agit d’une question de légitimité. L’assureur est souvent perçu comme le voleur, et donc pousser de la prévention, c’est juste pour augmenter ses marges. Même s’il l’assureur est celui qui connaît le mieux le risque, il n’est pas perçu comme le plus légitime pour pousser des actions de prévention.

En ce qui concerne le Cyber, on est sur un cas particulier car “personne n’y comprend rien”. Les produits incluent une brique de conseil, mais l'élément le plus vulnérable dans ce genre de risque reste l’humain. Il faut éduquer sur les modes opératoires des attaques, expliquer ce qu’est le phishing, ect. Mais qui va s’en charger ? Encore une fois, même si la brique de prévention est incluse dans le contrat Cyber, il y a bien quelqu’un qui doit l’activer, et c’est la que ca n’est pas évident.

Pour aller plus loin : Qu'est ce que l'assurance cyber ?

Les data au service de la prévention

Vitality aux Etats Unis adopte un modèle assez intéressant puisqu’il permet aux usagers de bénéficier d’une réduction sur leur prime d’assurance en fonction de leur comportement. Par exemple s’ils se sont rendus dans une salle de sport plusieurs fois dans l’année, ils sont éligibles à une réduction de leur prime.

Mais ce genre de modèle repose sur le partage des données personnelles de l’assuré avec son assureur. Et ce n’est pas chose facile, notamment en France où l’on reste méfiant vis à vis de notre assureur.

Selon Joël, les assureurs sont persuadés qu’avec le RGPD, ils ne peuvent rien faire des données et qu’il est devenu très difficile d’en collecter un maximum. Collecter les données comportementales des assurés n’est pas un mal en soi. A condition que l’expérience ou que de la valeur soit redonnée vers l’assuré et qu’il en tire, lui aussi, un bénéfice. Cela pose par ailleurs la question de la situation de la valeur aujourd’hui.

Elle n’est plus uniquement dans les produits d’assurance à proprement parlé, c’est à dire le contrat juridique, mais dans tous les services additionnels. Le problème, c’est que les assureurs ne l’ont toujours pas bien intégrés dans leur approche et qu’ils continuent d’amasser des services gratuitement à leurs contrats d’assurance.

Encore une fois, partager ses données n’est pas un problème, si vous bénéficier en contrepartie d’un service hautement personnalisé et à forte valeur ajoutée. Les données peuvent d’ailleurs être récoltées par un tiers de confiance, c’est le cas avec My Data Is Rich, qui les commercialise. L’usager en voit donc directement le bénéfice ici pécunier puisqu’il perçoit des royalties.

A ce propos, Joël nous rappelle que le Big Data, c’est d’abord du Small Data. En effet, pas besoin de collecter des milliards de données pour comprendre et analyser le comportement d’un assuré. Aux Etats-Unis, un acteur l’a bien compris. C’est Liberty Mutual. A l’inscription vous placez un boitier dans votre voiture, pendant 3 mois, et 3 mois seulement. Au bout de cette durée, l’assurance vous propose un tarif, en fonction de votre comportement de conduite. Mais la collecte des données s’arrête là car ils considèrent qu’ils savent tout ce qu’il y a savoir sur votre comportement routier.

Qui pour orchestrer la prévention ?

La donnée est évidemment l’élément essentiel pour assurer une prévention efficace. On a vu qu’il fallait toutefois avoir une certaine légitimité pour assurer cette prévention. Alors qui va devenir l’acteur au centre de ce sujet ?

Pour Joël, c’est l’intermédiaire qui va endosser ce rôle. En effet, “le plus important dans la prévention, c’est le client. Et qui connaît le mieux le client ? C’est l’intermédiaire. C’est lui qui a la relation avec lui et qui est le plus à même de mener toutes discussions, actions ou incitations auprès de l’assuré.

L’assureur se limite aujourd’hui à une notion de portage de risque, puisqu’il a tendance à déléguer la gestion à des gestionnaires plus efficaces que lui et la distribution à des intermédiaires, en atteste le nombre d’inscrits à l’ORIAS.

D’ailleurs, avec la mise en oeuvre de la DDA, les distributeurs connaissent et accompagnent leurs clients de façon encore plus transparente et personnalisée. Selon Joël, on assiste à une décomposition de la chaîne de valeur et on pourrait se poser la question de l'existence de l’assureur s’il n’est là plus que pour porter le risque. En effet, les réassureurs pourraient très bien assumer ce rôle. Ils l’ont d’ailleurs bien perçu puisqu’ils ont créé des entités de portage de risque, notamment sur les risques lourds.

A nuancer toutefois car pour s’attaquer au mass market en direct ils seraient en concurrence frontale avec leurs clients d’aujourd’hui que sont les assureurs, et qui ne verraient certainement pas d’un bon oeil les réassureurs venir leur prendre des parts de marché.

Pour conclure, les assureurs sont en train petit à petit de devenir des *“préventeurs” *au sens où ils vont devoir construire des produits qui permettent de se prémunir d’un certain nombre de risque, le plus efficacement possible, et de les garantir si malgré tout ceux-ci surviennent.

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